Chambarand
Ch I
Ch II
Ch III

Les "Champs bons à rien..."
Dans la vallée du Rhône, aux confins de l'Isère et de la Drôme, s'élève à environ 600 mètres d'altitude, une succession de plateaux désignés sous la dénomination commune de "Chambarands".
L'appellation dérive, selon les interprétations, de l'expression locale "Champs bon à ran (rien)", ou selon une interprétation plus savante, du latin "Campus arandus (Champs qu'il faut labourer)". En tout état de cause, les Chambarands étaient considérés comme une terre ingrate et peu propice à la culture.
L'appellation dérive, selon les interprétations, de l'expression locale "Champs bon à ran (rien)", ou selon une interprétation plus savante, du latin "Campus arandus (Champs qu'il faut labourer)". En tout état de cause, les Chambarands étaient considérés comme une terre ingrate et peu propice à la culture.
Fondée au mois de Juillet 1868 par une colonie de moines venant de Sept-Fons, les travaux sont lancés rapidement, mais la construction du monastère se déroule assez lentement, ses travaux étant interrompus temporairement par les secousses liées à la guerre de 1870. D'abord installés dans un ancien château (plutôt une ferme ruinée) les trappistes peuvent s'installer dans leurs locaux fin 1872, le gros de l'oeuvre étant terminé. Durant ce temps, les champs avaient été labourés et ensemencés de blé, ce qui provoqua l'admiration de la population locale, habituée à la difficulté du travail de ces terres.
A proximité d'un champ de tir militaire, l'abbaye se développa également du fait de la présence de soldats et officiers, sollicitant l'hôtellerie ainsi proposée et occasionnant certaines sources de revenus. En 1877, le monastère est consacré en abbaye.
Suite au mouvement d'expulsion des congrégations, la communauté s'exile au Brésil puis quelques années plus tard retourne à Sept-Fons, qui envoie alors un groupe de moines refonder l'abbaye d'Orval, en 1926.
En Avril 1931, une colonie de moniales en provenance de l'abbaye de Maubec prend possession de lieux et fonde une communauté de trappistines toujours présentes sur place.

La brasserie (I)
Arrivés en 1868 sur le plateau de Chambarand, les Pères Trappistes ont commencé la fabrication de la bière en 1872.
Pour l'élaboration de leur bière, les Pères Trappistes réalisaient une fermentation haute entre 15° et 20°. Mais l'utilisation de ce procédé entraînait des problèmes de conservation.
Pour remédier à ce problème, un maître brasseur bavarois fut engagé en 1885 et mit en place un procédé de basse fermentation vers 1890, avec l'aide technique de l'abbaye de Sept-Fons.
On sait qu'en 1888, le R.P Abbé de Chambarand demanda, lors du Chapitre général qui se tint à Sept-Fons qu'il lui soit permis d'agrandir son hôtellerie [Le registre de Tamié précise entre parenthèses : (de ses caves à bière) ] et proposa de dépenser pour cela 18 000 francs ; le Chapitre général lui en donna le pouvoir.
Grâce aux blocs de glace qui étaient stockés en hiver dans des caves, les Pères Trappistes purent garantir une bière de qualité égale en toutes saisons. La bière, pasteurisée, est composée uniquement d'orge et de houblon. Des témoignages attestent que "c'était une bière apéritive, digestive et nourrissante, à prendre pendant les repas ou entre les repas comme boisson rafraîchissante et tonique.". Vendue en caisses de 25 bouteilles et fûts de 25 à 100 litres, on la trouvait entre une ligne Vesoul, Saulieu et Nice.
En 1897, Dom Chautard est élu abbé de Chambarand ; il s'occupe rapidement de redresser les comptes de la brasserie. Au début du XXème siècle, au moment de la suppression des congrégations, il ne peut rien faire pour empêcher la fermeture de l'abbaye qui a lieu en 1903. (malgré le dépôt au Sénat le 2 décembre 1902, d'une proposition d'autorisation pour toutes les maisons cisterciennes, le gouvernement n'accueille pas les demandes de 4 maisons dont Chambarand et Sainte Marie du Mont ; Chambarand étant critiquée sur le fait que "le but principal de cette communauté est la direction d'une importante brasserie").
En 1903, suite au mouvement d'expulsion des congrégations, les pères Trappistes cédèrent leur activité à M. DUMASDIER, de Roybon. La brasserie conserva son nom de "Brasserie de la Trappe de Chambarand". L'exploitation de cette Brasserie, suite à des difficultés financières, cessa en 1922. En Avril 1931, il fut décidé que la Mère Marie Bonheur du monastère de Maubec soit destinée à repeupler Chambarand avec un groupe de religieuses qui y remplacèrent les pères et s'orientèrent vers la fabrication du fromage.

Une visite au monastère...
L'extrait suivant est issu d'un article du journal l'écho de la Vienne du 6 Juillet 1899 : "Une visite au monastère de la Trappe de Chambarand par Roybon (Isère)"
« Reçus avec une grande courtoisie par le R.P Antoine, abbé du Monastère, et le R.P Antonin, qui s'occupe plutôt des questions industrielles, nous leur expliquons le but de notre visite, et notre désir de connaître les détails relatifs à la fabrication de la bière dont ils s'occupent. »
« Nous fabriquions, nous est il répondu, de la bière pour notre consommation personnelle, le vin, faisant, il y a quelques années, défaut dans notre région inculte. Lorsque, les officiers venant au champ de tir de Chambarand, à 8 kilomètres de là, vinrent se désaltérer plusieurs fois à notre hôtellerie, ils trouvèrent notre bière tellement agréable, qu'ils nous engagèrent à développer notre fabrication, et peu à peu, nous fûmes obligés de répondre à des demandes toujours croissantes.»
« C'est que nous étions et nous sommes toujours loin de produire ce que l'on appelle de la bière de grande consommation ; notre bière est demandée pour les deux tiers environ sur les ordres des médecins.»
« C'est assez d'indiquer avec quelle scrupuleuse conscience, nous n'employons pour la fabriquer que du houblon, de l'orge et de l'eau .../... la bière, préparée comme elle l'est à Chambarand, avec du pur houblon de Bavière ou de Bohême; avec des orges du Puy, avec une excellente eau provenant de la montagne .../... c'est pour cette raison que les RR.PP trappistes ne s'en remettent à personne du soin de préparer leur malt.../... (la fermentation) se fait à basse température (d'où le terme de bière à fermentation basse), dans un laps de temps de 12 à 15 jours .../... et quand la fermentation proprement dite est terminée, la bière est mise dans des foudres où elle séjourne trois mois.»
« Dans ces foudres, on a eu le soin, pour développer la surface de dépôt, d'introduire des copeaux de noisetiers, et l'on retire ensuite une bière absolument claire et limpide, que l'on filtrera néanmoins encore, avant de la mettre en tonneaux.»
« ... la bière une fois terminée est mise dans des fûts goudronnés avec soin afin qu'aucun contact étranger ne vienne modifier sa nature .../... elle est expédiée ainsi par quantités de 25 à 60 litres dans toutes les parties de la France...».